Longtemps marginalisé et écarté des canaux classiques, le Street Art prend sa revanche et affirme sa présence avec une exposition audacieuse dans une institution publique prestigieuse et un monument historique au cœur de Paris à l’initiative du galeriste franco-tunisien Mehdi Ben Cheikh, qui a à son actif plusieurs projets et expositions hors les murs tels que, Tour Paris 13 ou Djerbahood.
Issus de l’Art urbain, un grand nombre d’artistes du monde entier ont investi le Petit Palais pour écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de ce mouvement. Avec un titre revendicateur ‘We are here’ (Nous sommes là), l’exposition affiche des artistes connus sur la scène mondiale comme D*Face, Swoon, Invader ou Shepard Fairey.
Quelques artistes tunisiens au talent indéniable – à savoir Koom, ElSeed, Wissem El Abed, ST4, Dabro, Hamza Sellmy et Shoof – font aussi partie de cette belle aventure.
Il faut avoir la hardiesse de Mehdi Ben Cheikh, fondateur de la galerie Itinerrance, pour rassembler tous ces artistes dans ce lieu culte. Mehdi Ben Cheikh que rien n’arrête, pousse toutes les portes pour concrétiser ses idées et changer les normes. Après deux ans de planification et d’organisation, il entame cette exposition en collaboration avec Annick Lemoine, directrice du Petit Palais et avec la coordination de la mairie de Paris. Il met à exécution une scénographie renversante : une cohabitation insolite entre les œuvres permanentes du musée et celles qui ont fraichement débarqué de la rue ; un dialogue entre le classique et le contemporain.
Sans chichis, les œuvres donnent une dimension visuelle spectaculaire et une nouvelle narration.
L’exposition commence avec des œuvres monumentales dans un parcours à travers la collection permanente. Ainsi, le travail gigantesque des artistes, Inti, Encomendacion, reproduisant à l’identique l’encadrement de la porte de la salle, se fond dans le décor comme s’il a toujours été là. Seth a construit sa ‘Tour de Babel’ avec des livres anciens empilés les uns sur les autres avant de toucher un ciel lumineux et multicolore. Avec DJBA_28, Invader fait un clin d’œil à son invasion de l’île de Djerba , un autre projet initié par la galerie Itinerrance en 2019.
A la salle de la célébration de la République, les artistes rendent hommage aux valeurs fondamentales qui unissent les peuples libres et qui invitent le public à réfléchir sur les politiques actuelles et l’évolution de principes comme la liberté, l’égalité et la fraternité.
Ainsi, sont visibles les œuvres de Conor Harrington, « Down with the King » ou encore celle d’El Seed, « Aux armes et ceatera », celle de Seth, « Marianne et Napoleon » et celle de Shephard Fairey (OBEY) « Liberté, Égalité, Fraternité ».
La salle Concorde englobe, quant à elle, toute la symbolique de cette grande exposition. Plus de 60 artistes donnent à voir leurs créations avec un accrochage ‘touche-touche’ en hommage au salon des Réfusés de 1863 qui néanmoins accueillait les artistes de l’avant-garde qui jadis étaient à la marge des salons officiels. Une manière ingénieuse de faire un parallèle entre les Refusés d’hier et les exclus d’aujourd’hui.
S’il y a comme une obstination à faire accéder l’Art urbain aux portes des musées et autres circuits standards du marché de l’art, il est aussi question de reconnaissance et de légitimation. Ces artistes ont pour la plupart œuvré pendant plus de vingt ans et leurs articulations artistiques extra-muros représentent aussi une clé pour le déchiffrage des codes de la société établie et une lecture du récit underground.
Texte : Amira Zili – Photos : Galerie Itinerrance
Article paru dans iddéco n°52 – Août 2024, vous pouvez le commander ou vous abonner en ligne : https://archibat.info/abonnement-2/