Petite, elle pillait le jardin familial pour composer des bouquets pleins de fantaisie et d’imagination. Impossible de l’arrêter. Pour elle, c’était autant d’histoires à raconter, de rêves à illustrer.
Plus tard, étudiante à Paris, Fatma Cherif suit un cursus d’architecture d’intérieur, rentre à Tunis pour se marier, repart à Paris avec un bébé cette fois. Promenant Yasmine, sa petite fille au nom de fleur, elle s’arrête devant une annonce proposant une démonstration d’art floral de l’école de Stéphanie de Monaco. La princesse l’intrigue tout autant que le sujet de la prestation. Confiant Yasmine à son père, elle s’absente pour deux heures de temps, et ne revient qu’au bout de six heures. Passionnée, elle s’inscrit dans cette école, commence par une spécialité, puis décide de faire tout le cycle : fleurs naturelles, fleurs séchées, mariages, goûters d’enfants et même deuils, rien ne résiste à sa curiosité florale. Elle part à Bruxelles pour un stage où elle se trouve seule tunisienne dans un groupe de 24 japonaises pour qui l’art floral est une tradition millénaire. Et défend honorablement les couleurs de son pays.
De retour à Tunis, après avoir mûrement réfléchi, et sollicité de nombreux conseils, car bien que passionnée, Fatma Cherif n’entreprend rien à la légère, elle décide de se lancer, et d’ouvrir pignon sur rue. Le marché est encore vierge, tout est à faire.
La fleur est un produit difficile, fragile, irrégulier. Elle qui aime le naturel est obligée, en un premier temps, de composer avec l’artificiel, de mêler les deux pour réussir ses compositions. Depuis, les pépinières devenues plus nombreuses, mais surtout l’importation ouverte, elle laisse libre cours à sa créativité. A Sousse, à Mahdia, à Sfax, à Tunis, elle est connue comme le loup blanc. Elle y trouve arums, immortelles, iris, glaïeuls, oiseaux du paradis qui structurent ses compositions. Quant à la reine des fleurs, la rose aristocratique, elle vient du Maroc, d’Egypte, du Kenya et même de Colombie.
Quand on lui demande si l’art floral est entré dans les traditions, et s’il ne se limite pas aux cérémonies de mariage, elle proteste. Bien sûr, les mariages constituent la demande la plus importante, mais aussi les anniversaires, les naissances, les fêtes familiales, les soirées, les cadeaux, les réunions. Ce qui tarde à suivre, ce sont les décorations de bureaux, les halls d’accueil des sociétés. Seules quelques entreprises sacrifient à ce geste qui est une courtoisie pour le client, et souscrivent à des abonnements floraux.
Mais notre amie des fleurs est optimiste : nul ne résiste longtemps au pouvoir des fleurs. Cela viendra.
Texte : ALYA HAMZA