La maison tire vers le large. Elle semble prête à larguer les amarres. Et l’on se dit qu’un jour de gros temps, elle le fera peut-être. Au pied de la colline de Sidi Bou Saïd, elle tourne résolument le dos au mont sacré, et ne regarde que vers les flots. Située sur cette frange mouvante et indécise entre terre et mer, dernière sur ce sentier qui ne mène nulle part, la maison est discrète, secrète, tentante, et cependant accueillante. Ancienne et nouvelle à la fois, fleurant bon la peinture fraiche, et ne reniant pas les strates de son passé, c’est une maison que l’on a su restaurer en lui gardant son âme, moderniser sans perdre son caractère, et fonctionnaliser en lui conservant son esprit.
Au départ, une maison classique des années 70, gentiment respectueuse du style de l’époque, toute de blancheur et de bleu emblématique vêtue, sacrifiant aux canons de l’architecture arabo-mauresque, voûtes et balustrades convenues. A l’arrivée, une maison contemporaine de superbe modernité, aux volumes repensés, aux espaces redistribués, les terrasses intégrées, les fenêtres largement ouvertes en baies, assumant totalement son statut de « pieds dans l’eau ».
Entre temps, un tourbillon était passé par là : la maîtresse de maison qui nous accueille est architecte d’intérieur. Ayant en charge un projet voisin, elle découvrit que cette maison était libre à la location, ce qui allait simplifier considérablement ses problèmes professionnels. Aussitôt dit, aussitôt fait, peut-être même plus vite encore. En moins de trois mois, et à la plus grande satisfaction des propriétaires, la demeure allait se transformer. Sols refaits, ouvertures élargies, salles de bains et cuisine entièrement rénovés, panneaux muraux optant pour la couleur, circulation repensée, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, la maison est prête pour un nouveau départ.
Dans ces espaces résolument contemporains, l’hôtesse installe ses collections : des meubles de designers, dont certains créés dans ses ateliers, des oeuvres d’artistes contemporains soigneusement sélectionnées, parmi lesquelles on reconnait les calligraphies de Chouf, les délires de Ben Slama, ou encore les sculptures aériennes de Noutayel. Des touches audacieuses de bleu cobalt ou de jaune soufre, un coffre ancien, qui surprend mais ne heurte pas.
Texte : Alya Hamza – Photos : Vincenzo Magnani
Article paru dans iddéco n°35 – Janvier 2018