Entrer dans l’atelier de Kassou c’est faire l’expérience concrète de ce que le terme sérénité veut dire. On y ressent un sentiment de plénitude qui donne envie de s’y installer.
L’espace est grand et lumineux, un rez-de-chaussée et une mezzanine qu’elle intervertit selon ses créations et en fonction des saisons. Les couleurs qui en surgissent nous apostrophent. Elle nous invite à nous asseoir, mais nous continuons à déambuler, curieux de découvrir de plus près ses peintures.
Titulaire d’une maîtrise d’enseignement en Arts Plastiques de l’Institut Supérieur d’Art, d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, Kaouther Jellazi Ben Ayed, alias Kassou, a participé à plusieurs biennales et symposiums internationaux. Elle expose depuis 1991 et a présenté sa toute première exposition personnelle à la Galerie Arthémis.
Passionnée par tout ce qu’elle entreprend, Kassou ne tarit pas de conseils. Car il faut dire que son atelier ne sert pas uniquement sa peinture mais accueille deux fois par semaines ses élèves, des femmes pour la plupart. C’est là qu’elle dévoile généreusement ses secrets de création. Elle aura tout essayé ou presque : collages, pastel, mastic, sable, peinture à l’huile, aquarelle, acrylique…
Son atelier se veut pédagogique mais aussi lieu d’expérimentation. Son inspiration ? Elle la puise aussi bien dans ses lectures, citations, poésies que d’images ou de photos saisies çà et là.
C’est par le plus grand des hasards qu’elle tombe sur une vidéo présentant les stylos 3D. Elle intègre alors cette innovation à sa peinture, cette découverte qui lui prodigue un souffle nouveau, lui donne envie de persévérer et de creuser dans cette voie.
Pour avoir passé des heures à dessiner dans son atelier, Kassou a mis au point une technique à mi-chemin entre peinture et dessin. Ce travail très gestuel tend à reproduire de façon quasi figurative les corps des femmes et l’énergie qui en découle, tout en donnant vie à des fonds aux couleurs nuancées. Les « Matières 3D » expriment l’admiration qu’a l’artiste pour la femme, plus particulièrement pour sa force, sa sensibilité mais aussi pour ses formes et les mouvements qui en émanent.
Les œuvres, explosions de traits et de couleurs, sont principalement peintes à l’acrylique pour faire allusion à la société de notre époque. Mais l’omniprésence des courbes qui, aux yeux de l’artiste, sont ce que la femme a de plus délicat en elle, sont une échappatoire, telle une sortie de secours, à travers l’idée de voyage qu’elle génère.
Méthodiquement, elle ajoute de la matière, traces régulières de son stylo 3D qui crée des rythmes qu’on retrouve d’une œuvre à l’autre, instaurant un vocabulaire aisément identifiable. Magie des oppositions entre la lumineuse patine des fonds et le fil en relief des couleurs posées tracées, là simplement, dans lesquelles elle cherche à capter la structure des corps. À l’image de ses modèles, les toiles, bien que très travaillées, cachent en réalité une composition simple et stricte, pour peu que l’œil s’y attarde et découvre cette seconde lecture.
Elle explore le langage visuel de la forme et de la couleur à travers un travail de la peinture à la fois libre et sans réserve. Pour les protéger, Kassou s’est appliquée à mettre ses toiles sous plexi leur faisant prendre l’allure de précieuses boîtes transparentes.
L’univers de Kassou se recompose sans cesse, ce qui offre une infinie possibilité de rêves à travers chaque toile. Elle affirme : « J’aimerais voyager encore et continuer à explorer sans cesse… »
Texte : Nadia ZOUARI – Photos © Vincenzo MAGNANI
Article paru dans iddéco n°40 – Juillet 2019