Nostalgique, s’attachant à préserver dans ses œuvres une image de ce Tunis qui, doucement s’effaçait devant lui, Alexandre Roubtzoff, le peintre ethnographe écrivait dans son journal : « Les intérieurs des cafés arabes, sont profanés par le scintillement et le sifflement des percolateurs qui ont remplacé les anciens foyers remplis de cendres où le cafetier enfouissait jusqu’à la braise rosée ses minuscules cafetières de fer blanc en forme de cône tronqué, munies d’un manche long d’un demi mètre ».
Bien sur, Roubtzoff se trompait. Et rien n’a jamais remplacé le café à la zazoua, fut ce le nespresso du fameux « what else ? »
Cette petite cassolette au col resserré, que chaque cuisine recèle dans son placard est non négociable. On la propose toujours en première alternative : « kahoua arbi oualla souri », ce qui, traduit mot à mot signifierait « un café arabe ou syrien ? », sachant que le café arabe est turc, et que le café syrien est français, mais ceci est une autre histoire.
Pour revenir à notre zazoua incontournable, nous appelons café « arbi », ce qu’en France on appelle café turc, et qu’en Grèce, on vous servira sous le nom de café grec bien sur.
La seule chose qui fédèrera tout le monde, c’est la façon de le préparer : aucune maitresse de maison, aucun amateur de bon café n’ignore qu’il faut faire bouillir trois fois le café dilué dans de l’eau, faire monter la mousse sans jamais la laisser déborder, et être assez virtuose pour préserver la « sorra », cette petite bulle de café à la surface de la tasse, qui promet la fortune. Autrement, les goûts divergent quant à parfumer son café, d’eau de fleur d’oranger, de heel, ou d’orgeat.
Quant à la zazoua elle-même, joli accessoire à la forme élégante, elle sera de fer blanc, d’inox, de cuivre, d’argent, émaillée ou ciselée, au manche de bois, d’ivoire, d’ébène selon les goûts et les usages. Mais toutes serviront au même cérémonial traditionnel, même rituel inaltérable, à la même gestuelle conviviale.
Texte : Alya Hamza – Photos : Samia Chagour Françon
Article paru dans iddéco n°23 – Décembre 2014
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