Entrer dans un monologue monochrome comme on entre dans une introspection de soi. Plonger dans les dédales du théâtre pour scruter, déchiffrer, capturer l’insaisissable. Chez Kais Ben Farhat, la photographie est à la fois un regard profond et une introspection toute en nuances d’un amoureux du noir et blanc dont la douceur des images est troublante.
Comment une photographie apparemment banale de la scène ‘Le Bout de la Mer’, illustrant deux silhouettes – une femme et un homme en chapeau assis sur un banc public, contemplant la mer sous la pleine lune, avec une vapeur s’élevant dans l’atmosphère – peut-elle encapsuler toute la désolation, la solitude, l’abandon et la résilience intrinsèques à l’expérience humaine ?
C’est peut-être là que réside l’essence même de ces deux expressions artistiques : la photographie et le théâtre. Entrelacs des arts, un regard croisé entre deux disciplines créatives qui se côtoient, s’entre-tissent, se sublimant mutuellement, le temps d’une exposition. Une complicité qui se raconte à travers une narration esthétique magistralement orchestrée par le photographe.
A l’antipode d’un démiurge, l’artiste, avec humilité, se soustrait pour transcender le théâtre et révéler toute sa grandeur et sa dimension poétique. Derrière son objectif, Kais Ben Farhat se dévoile à travers les images qu’il crée. Sa discrétion captivante se manifeste au fil des photographies : un cri assourdissant dans ‘La Dernière’, un silence magistral de Mohamed Kouka dans ‘Kaligula’, une peur effroyable dans la pièce de Fadhel Jaibi qui porte le même nom, une douleur insurmontable dans le ‘Fou’, une résignation fataliste dans ‘le Bout de la Mer’… Tout y est et tout se lit sous un prisme esthétique à travers lequel des récits sous-jacents se dessinent.
L’artiste ouvre donc le rideau sur un monde dynamisé par la scène théâtrale, cette antichambre de la condition humaine, et laisse défiler ses photographies au gré de ses inspirations, formant ainsi une nouvelle dramaturgie digne des plus grands auteurs de théâtre.