Une feuille de bronze ou d’or dépoli, à l’origine était l’ingénieuse invention des coquettes de l’époque punique ou des temps pharaoniques. Depuis, elles ont gagné en inventivité, et les artisans avisés, connaissant bien l’éternel féminin, et ses insoupçonnables ressources, ne cessèrent de multiplier les différentes interprétations de cet attribut vital.
C’est ainsi qu’au cours de l’histoire des arts décoratifs, on vit se diversifier les techniques, les formes et les habillages. Miroirs au mercure, à la feuille d’argent, on est loin du temps où Narcisse surprenait son image dans le reflet d’un lac tranquille. On fit beaucoup mieux, offrant au miroir un cadre de bois sculpté ou tourné, d’argent ou de nacre, de jaspe ou d’écaille, le déclinant en miroir à main, ou en monumental élément de décoration, et lui offrant des lettres de noblesse selon ses origines : les plus célèbres sont vénitiens ou florentins. Les plus raffinés sont provençaux, curieusement inconnus sous cette origine, alors que leurs pampres de vigne décorent toutes les maisons anciennes tunisiennes. Les plus appréciés sont syriens, en marqueterie de nacre. Les plus traditionnels sont en argent repoussé, et existent dans tous les trousseaux des filles de chez nous.
Mais s’il est un attribut de décoration, le miroir n’est guère innocent. Et le poids des contes et légendes qui s’y accrochent en fait foi : c’est lui qui, refusant de mentir, annonça l’ère venue de la beauté de Blanche Neige à la méchante reine, avec les conséquences que l’on connait. C’est lui qu’Alice ou Zelda traversent, pour découvrir des univers parallèles qui sont plus symboliques que de fiction. C’est lui encore qui, lorsqu’on le déforme, se transforme en « sorcière », avec les inquiétantes perspectives de visions détournées. C’est lui que l’on voile dans les maisons des morts pour que l’âme des défunts ne s’y perde pas. C’est lui encore que l’on multiplie dans ces inquiétants labyrinthes où la logique perd pied et la raison vacille. C’est lui enfin que les mages appellent pour convoquer les esprits.
Miroir de la réalité ou des rêves, porte dérobée de mondes parallèles, ou simple attribut de l’éternel féminin, le miroir a toujours fasciné, et continuera longtemps de le faire.
Article paru dans iddéco n°12 – Mars 2011
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