Au premier étage d’un immeuble de Aïn Zaghouan, se niche l’atelier de Walid Zouari. C’est là que nous découvrons les trésors de l’artiste. La lumière y est belle, jetée au travers des fenêtres sans prétentions, éclairant un atelier devenu trop petit tant les œuvres sont entreposées ça et là, un peu partout le long des murs. D’autres peintures encadrées composent et ornent les cimaises. Il y aurait de quoi monter plusieurs expositions.
Le peintre y est chez lui, prolixe, il crée sans arrêt. Dans l’atelier, la vie de tous les jours s’étale aussi simplement qu’elle est vécue : livres, catalogues d’expos, invitations, courriers, chaises accueillantes montrent qu’ici on vit, on partage.
Diplômé en communication Visuelle à l’Ecole d’Art et de Décoration de Tunis, venu à la peinture tout jeune dans les années 80, il renforce sa facture après un séjour en résidence d’artiste au Centre des Arts Vivants de Radès en 1995 puis à la Cité des Arts à Paris en 2004. Mais, c’est tout de même dans son atelier que sa démarche s’affirme, empruntant une voie personnelle.
Walid Zouari vient y peindre quotidiennement. Très discret, il a des yeux chaleureux qui traduisent son amour des choses et des gens. Il avance quoiqu’il arrive, sans se bercer d’illusions, sans perdre de temps dans des affrontements inutiles. Il s’est aménagé un endroit précis, son domaine privé, délimité par une porte. Chevalet et table s’y ordonnent, maculés de peinture, éclaboussés de couleurs. D’ailleurs, Walid peint avec sa tenue spéciale, une salopette aux multiples poches.
Si Walid aime l’abstraction, il n’en aime pas moins dessiner. Il a développé son personnage à la tête ronde élaborée d’un seul et même trait. On perçoit son besoin tenace de peindre tout en concevant son origine dans l’expression profonde de l’être humain, dans ce qu’il a de plus intime, car pour lui, peindre engage tout l’être.
Il prépare un beau livre de 200 de ses peintures qui sera dédicacé par le musicien Anouar Braham dans un travail de collaboration. Il travaille souvent avec les Studios Universal pour leur proposer et éditer des couvertures de CD. Parmi eux, celui du musicien Dhafer Youssef. Plusieurs couvertures des CD du saxophoniste autrichien Wolfgang Puschnig sont également ornées des peintures de Walid. En 2017, il a peint une fresque de 25 x 3 m pour le décor d’une pièce théâtrale.
Vécues comme des expériences, les toiles sont souvent menées à terme, parfois abandonnées, retravaillées, témoins de questions non résolues. Ses toiles révèlent une multitude d’idées quand d’autres d’une autre profondeur se révèlent avec la maturité.
Couleurs et lumière restent déterminantes dans la sélection drastique du peintre qui livre sa trajectoire à un hasard maitrisé. Comme tout aventurier digne de ce nom, il balise rigoureusement le territoire et y nourrit son travail d’introspection.
Si chaque peintre dévoile une personnalité particulière, c’est que sa manière de voir et par conséquent, d’organiser le monde, lui est personnelle.
Et c’est toujours l’artiste qui transparaît, sous des dehors plus ou moins lisses, plus ou moins graphiques. Au fond, un peintre revient toujours à son essence.
Texte : Nadia Zouari – Photos © Vincenzo Magnani
Article paru dans iddéco n°38 – janvier 2019
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