Immersion dans la poétique du bleu
Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension… », disait Yves Klein.
Au coeur de Sidi Bou Saïd, la maison indigo nous emporte dans une évasion hors du temps et de l’espace. Tandis que dans les ruelles du villages la vie s’active, la course des secondes semble interrompue, à l’intérieur de cet écrin d’apaisement et de calme suspendu sur la falaise. Face à l’étendue d’un bleu céleste, la vue unique offerte par la demeure crée une sensation ultime de repos. La maison d’hôte invite ses convives à une immersion dans les profondeurs bleutées de sorte qu’en elles ils se noient sans se rendre compte de rien. A La Demeure Indigo, indéfiniment, le regard s’évade dans le bleu azur qui naît du ciel pour se dissoudre dans la mer.
Nichée dans un chemin menant au « Café des délices», la demeure où nous convie Indigo est dédiée aux délices des yeux, du palais et de l’esprit du plus fin des épicuriens. Authentique, somptueuse et enchanteresse, La Demeure qui trône sur les hauteurs du village, s’emble s’enraciner dans la mer et prendre corps avec le paysage. À travers les grandes ouvertures vitrées, le bleu pénètre comme un faisceau de clarté et de lumière à l’intérieur de la villa à l’architecture d’inspiration arabo-andalouse.
Installé dans la terrasse devant la piscine, dans l’intimité des balcons perchés sur les falaises ou dans les deux grands salons, le visiteur se retrouve face à l’infini turquoise de la méditerrané. Changeante, mouvante, la vue époustouflante inspire à se perdre dans les cieux et dans les flots. Les sens s’étourdissent et l’esprit s’évade dans la sérénité qui peuple l’espace. Le bleu indigo n’y est plus uniquement une couleur mais une aura qui émane du lieu et l’incarnation de l’essence même de l’âme de Sidi Bou Saïd.
Le bleu dans la diversité de ses nuances y est une tonalité, une
atmosphère, une réverbération particulière dans l’air. Il est omniprésent dans la suite d’Erlanger où il se déploie dans des teintes gris-bleutées. Audessus de la tête de lit, les portraits des lithographies de Zoubeir el Turki contemplent inlassablement les écumes qui viennent disparaitre sur la plage, à travers les grandes fenêtres qui leurs font face. A leur droite, ils ont une perspective directe sur la grande terrasse du palais de l’illustre Baron d’Erlanger dont la mémoire subsiste dans les moindres détails de ce joyau de l’architecture méditerranéenne.
Le salon spacieux de la suite baigné de lumière invite à la méditation en
étant bercé par la mélodie des vagues et envouté par le spectacle de leur rythmique. Dans la suite Persane, un parfum d’orient nous embarque dans une odyssée des sens face à la vue sur le port. Une palette chatoyante des couleurs épices des tapis, des tapisseries et des étoffes nobles vient contraster harmonieusement avec l’horizon bleu qui apparait au loin.
À chaque suite est attribué un univers unique qui nous emporte dans une perambulation chromatique. Les suites Pastel, Florale ou Mimosa sont une ode aux couleurs de la flore abondante de Sidi Bou Saïd, de la terre rouge de la falaise et des camaïeux bleu qui les environnent. Sur les trois niveaux de la demeure, les six suites, les deux grands salons ouvrants sur les terrasses et les jardins suspendus sur la colline sont autant de destinations d’amarrage dans un voyage synesthésique illustré par une poésie architecturale. Cette expérience d’enchantement est mise en scène dans l’espace par Chébilia Sayah Kaouel qui a su marier dans un intérieur luxueux le raffinement du mobilier contemporain Emporio à des trésors de brocantes, des souvenirs de voyages ou des meubles de famille. Par une scénographie étudiée elle a cherché à faire dialoguer les univers plastiques d’une riche collection d’oeuvres d’artistes étrangers et tunisiens à l’instar de Sinda Belhassen qui a adapté ses créations à la magie du lieu. ■
Texte : Salma Alouane