Issue du fond des temps et des âges, la tradition du harkous défie les modes et les styles. On la dit carthaginoise, issue des abîmes de l’histoire, on la soupçonne phénicienne, venue sur la crête des vagues, on la murmure berbère, descendue des montagnes arides, on la prétend saharienne, née des mirages des sables.
Et on la retrouve, mystérieuse et inaltérée, dans les villes et les campagnes, à toutes les époques, transmettant d’obscurs messages codés dont nous avons oublié le sens. Odorant, parfumé, tenace, le harkous se présente dans de petites cassolettes de terre cuite à couvercle vernissé. A l’intérieur, une mixture noire onctueuse dont la préparation obéit à des codes immuables, et que détiennent quelques « hananas » expérimentées. Ecorce de noyer, noix de gale, clou de girofle, orpiment et oxyde de fer sont mélangés selon des proportions qui constituent le secret le mieux gardé du monde, et cuits lentement sur feu de bois. C’est alors que la hanana peut faire montre de toute sa virtuosité, déployant, à l’aide d’une épingle, volutes et arabesques selon une iconographie transmise de génération en génération. L’observateur attentif retrouvera les signes et les symboles de la méditerranée éternelle : le poisson prophylactique, le signe de Tanit.
Jadis on réservait le rituel du harkous aux seules cérémonies du mariage. Aujourd’hui démocratisé, c’est devenu un phénomène de mode porté par la vogue universelle du tatouage. Bien sur, la fabrication du harkous est moins puriste, l’usage en est plus populaire, et les hananas s’improvisent sur tous les lieux touristiques.
Mais le harkous continue à sentir bon la Tunisie éternelle.
Par Alya Hamza – Photos : Samia Chagour Françon
Article paru dans iddéco n°26 – Septembre 2015
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