« From South to North Tales »
Un coup d’éclat, une exposition comme un manifeste.
Une exposition comme un manifeste, qui illustre et revendique tous les médias de l’art plastique : le dessin, la peinture, la céramique, la sculpture, l’écriture, la bande dessinée et les associe joyeusement, les revisite au gré de l’imaginaire de son auteur.
Nous les reconnaissons et pourtant, ils sont différents .L e bois ressemble à la céramique, à moins que ce ne soit l’inverse, les couleurs fluo s’installent sur la terre cuite, les personnages des tableaux acrylique peuplent les sculptures.
Tout cela est d’une précision d’horlogerie.
On pense à une rétrospective, à la sélection des œuvres d’une vie.
Et pourtant. C’est la première exposition personnelle d’une nouvelle venue, qui vient nous présenter son univers, nous faire rencontrer les personnages pseudo-naïfs qu’elle met en scène et qui nous représentent. Tous racontent une histoire dont on attend la suite avec impatience. Il y a le chat, gracieux, qui joue et croit en son rôle de vainqueur, mais n’attrape pas l’oiseau, le minotaure diablotin , le mouton aux bois d’élan et sa lassitude, l’oiseau impassible, et celui qui n’en finit pas de chanter sa liberté avec son rameau musical, le citron soleil qui brille de mille feux, le piment rouge qui annonce la canicule, le poisson vaporeux , qui se meut avec élégance dans les profondeurs des dunes , l’œuf, pierre minérale qui renferme toute la sagesse du monde , la chaise, qui attend dans l’éternité , les monuments, églises et ziggourats qui flottent comme des châteaux dans le ciel et dont la flèche montre le firmament. Ils tournoient avec une poésie grave que l’on pourrait croire légère, se cognent, s’interpellent et s’éloignent dans un souffle de spiritualité. Sonia Ben Slimane Besada a une disposition d’esprit qui fait qu’elle exprime avec gravité des choses légères et avec légèreté des choses graves. Dans ce monde où les couleurs de la Méditerranée se mêlent à celles des contes nordiques, il est question d’élévation, d’ode au dépassement et à l’émancipation de notre condition humaine. Ce qui nous enchante, c’est de découvrir une vision artistique nouvelle, rafraîchissante, que nous ne pouvons rattacher à un déjà vu, à une autre déclinaison d’un procédé établi. Sonia Ben Slimane Besada nous offre une lecture totalement inédite, originale, particulière et bien à elle d’un univers unique,
reconnaissable entre tous.
L’invité se pose regarde, touche, écoute. On entendrait chanter l’oiseau, couler l’eau, gronder
l’orage. On ressent la chaleur du soleil, la Méditerranée calme, fumante, fulminante. Les néons
s’allument et nous inondent de lumières vives, éblouissantes. Nous assistons à la fin d’un monde, à la genèse d’un autre, les rêves des uns se transforment en prières, en bénédictions, et lorsqu’elles ne sont pas accordées, en condamnation suivie de rédemption. L’histoire peut continuer, avec ou sans nous, elle a sa vie propre.
Les titres des œuvres, sont de délicats poèmes qui nous nous transmettent cette certitude : aux « rêves sous les néons » succèdent « rédemption » et « it happened in the sky ». Il y a les prières, aussi : « prière aux notes d’agrumes », « cheveux au crépuscule, les prières cobalt ». Et puis la mer, qui recèle l’histoire du monde, avec « mémoire d’un océan cobalt » .
Dans ce foisonnement offert au regard et à la réflexion, il est difficile de dégager des préférences. L’ensemble des œuvres, d’expressions plastiques différentes demeure d’une homogénéité totale .On ressent la rigueur et la persévérance de l’artiste.
L’auteure de ce coup d’éclat, Sonia Ben Slimane Besada, n’a pas trente ans. Après des études
artistiques à Paris et à Limoges haut lieu de la céramique, elle vit et travaille à Copenhague où elle est membre du groupe Immart , collectif d’artistes internationaux . Elle a exposé à Tunis , Paris, Copenhague et Beyrouth. Actuellement, avec la galerie Lorien , elle participe à une exposition de groupe dans l’île de Bornholm , l’île des artistes et des céramistes , attirés par la lumière naturelle de l’île.
Aujourd’hui, elle réalise sa première exposition personnelle à la prestigieuse galerie Musk and Amber à Tunis, qui se veut un pont entre l’orient et l’occident, au rayonnement international et dont le rôle de découvreuse de talents nouveaux n’est plus à démontrer.
Edia Lesage, 14 mai 2023